Source article : Urbania
GABRIELLA KINTÉ: AU SERVICE DES COMMUNAUTÉS MISES DE CÔTÉ
Il y a un an, Gabrielle Kinté fondait la librairie Racines à Montréal-Nord, quartier sous-estimé qui l’a vu grandir. En plus de s’imposer loin des centres universitaires et d’avoir été sociofinancée, sa librairie met de l’avant les ouvrages de personnes racisées, une littérature peu diffusée et encore moins enseignée. L’objectif? Aider les victimes de racisme à trouver des voix qui leur ressemblent et, ultimement, nous permettre de tous mieux nous comprendre.
Amoureuse des livres / 29 ans / Bélier
Ma mission c’est… guérir tous les maux du monde en conseillant un livre à la fois.
Pour panser les douleurs du Québec, je recommanderais… la lecture de Policing Black Lives : State Violence in Canada from Slavery to the Present. Dans le contexte politique actuel, plusieurs populations se sentent marginalisées, notamment les communautés noires, mais elles n’arrivent pas nécessairement à bien expliquer ce qu’elles vivent. Ce livre de Robyn Maynard nous permet de mieux saisir la provenance historique de ce mal-être. Je le conseille à toutes les personnes qui, comme moi, ont été déracinées et qui ignorent le passé des personnes afro-américaines au Canada. En plus, il sera sous peu traduit en français!

Pour l’année à venir, je veux… donner le goût de la lecture aux jeunes adultes. Dans les recherches et les essais, on parle souvent des bienfaits de la lecture chez les jeunes… Comme si tout était perdu pour les adultes qui n’ont pas encore cet intérêt pour les mots! S’intéresser spécifiquement à cette population sera un beau défi parce qu’elle est moins prise en compte. Pourtant, la lecture est un bel outil d’intégration. À la librairie, on s’est donné pour mandat de mettre de l’avant les auteurs et les artistes racisés, alors c’est possible d’épauler une personne qui lit peu en lui disant : « J’ai ici un livre qui parle du même processus migratoire que celui que tu as vécu. Cette personne l’a fait avant toi, elle pourra t’aider. » C’est ce qu’on veut faire, maintenant.
Pour y arriver… il faut d’abord apprendre à connaître ces futurs lecteurs pour comprendre ce qu’ils aiment. Depuis un an, on essaie de tisser des liens avec la communauté de Montréal-Nord et d’adapter nos services à ses envies. On aimerait maintenant créer de nouveaux ponts en organisant des activités dans d’autres quartiers. On souhaite par exemple faire des potlucks pour réunir des personnes de diverses générations. Ce serait une façon d’en apprendre plus sur l’histoire de nos concitoyens autour d’un repas. Et quand on connaît le passé et les intérêts de gens, c’est facile de trouver un bouquin qui leur parlera vraiment. Un autre de nos objectifs est de créer des relations avec différents organismes communautaires qui, là encore, intéressent notre clientèle. Par exemple, si on apprend qu’il y a un fort intérêt de nos clients pour l’apprentissage de danses traditionnelles haïtiennes, on partira à la recherche d’un groupe qui offre de tels cours pour en faire la promotion à la librairie.

Les communautés racisées ont… énormément de talents et de choses à raconter, mais elles sont peu représentées dans les espaces culturels québécois. Politiquement, on doit donner à ces voix l’occasion de s’exprimer. Toutes sortes de programmes peuvent être créés pour stimuler l’émancipation et l’embauche de personnes racisées. Ce n’est pas un enjeu de volonté individuel : pour qu’on puisse s’asseoir à table, il doit y avoir une chaise pour nous…
Toute bibliothèque devrait contenir… un livre écrit par une femme noire, à commencer par Femme, race et classe d’Angela Davis. Nous serions ainsi habités par plus de mots pour apprendre à connaître ceux qui sont différents de nous.
J’aime croire que… nous sommes tous des poètes.
Pour en savoir plus sur Gabriella :